Le 27 aout dernier, comme mon voisin j’ai semé une parcelle de colza, nous avons tous les deux utilisé la charrue puis le combiné de semis traditionnel pour implanter nos colzas derrière de l’orge.
La grosse différence vient du déchaumage, pour ma part, j’avais utilisé un chisel juste après la moisson, mon voisin a laissé les chaumes pour ne mettre un coup de cover-crop que juste avant le semis.
Bien, lui a pris, il a gardé la fraicheur alors que dans ma parcelle l’eau s’est évaporée très vite. Résultat, il a semé son colza dans le frais alors que le mien était dans le sec, cela se voyait très bien à la couleur du labour et à la poussière que je faisais.
Résultat, son colza a levé très vite alors que le mien est resté intact, quelques graines ont levé à la faveur ci et là d’un peu d’eau dans le lit de semence. J’avais misé à tort sur une pluie qui aurait pu faire lever tout ça…erreur, au lieu de ça, les rares plantes qui ont levé se sont fait dévorer illico par les pigeons en quête de verdure fraiche pour se nourrir.
Comme on le voit sur le graphique ci dessus les pluies ne sont arrivées que le 22/09, le colza a alors germé, j’étais déjà prêt à implanter une autre culture de peur que mes graines aient germé puis disparu suite au sec. (On dit chez nous que la graine a chauffé)
Suite au passage de Sentinel 2 le 5/12, on peut constater vu d’en haut la différence des deux colzas aujourd’hui, mon colza en place issu de la levée très tardive a assez de plantes présentes, certes pas très développées comme on peut le voir sur la photo, mais ça devrait pouvoir passer l’hiver, après, au printemps je pense qu’il rattrapera son retard. Celui du voisin est très bien développé (Indice foliaire moyen sur la carte de 2.8).
Mon modèle agro-physiologique permet de prendre en compte ces facteurs abiotiques en l’occurrence la météo et l’état hydrique du sol et leurs conséquences sur la culture, le modèle couplé aux images satellites calibre ses paramètres de façon à ce que le LAI du satellite et celui calculé par le modèle soient en accord.
Pour cela j’utilise une fonction objectif qui calcule la distance entre les deux courbes et la minimise en jouant sur les différents paramètres du logiciel, ici, il a joué sur l’humidité du lit de semence. Ces calibrages ne sont pas déterminés au hasard, c’est un algorithme par essaims particulaires qui se charge de la tâche, il ne cherche pas de façon brutale et exhaustive, mais avec une pseudo intelligence comme le font les algorithmes génétiques.
J’utilise ces algorithmes de “machine learning” depuis une vingtaine d’années, si dans la plupart des cas, leurs résultats ne nous surprennent pas, et c’est tant mieux, parfois ils trouvent des solutions auxquelles on aurait pas pensé.
Sur le graphique plus haut, on voit que la levée de mon colza est calculée au 10 Octobre alors que celui de mon voisin a levé le 4 Septembre, ainsi aujourd’hui l’écart de biomasse fraîche est très important comme le montre les photos sur l’image satellite.
Coupler un modèle agro-physiologique avec des images satellites est un gros chantier algorithmique et informatique, initialement mon modèle était codé avec Delphi, je l’ai transposé dans “R” qui est le support des traitements satellites, en profitant de la migration pour améliorer certains points, les premiers résultats sont probants, et il y a des applications multiples à grande échelle comme la génération de cartes de rendement avant moisson sur les grandes cultures comme le blé, le maïs ou le colza.
Avec un modèle très détaillé, comportant de nombreux paramètres, on peut l’utiliser pour rechercher les facteurs abiotiques responsables de zones hétérogènes dans les parcelles. Si l’explication d’un phénomène est dans les paramètres du modèle, alors il la trouvera. Dans la mesure où chaque pixel est passé dans le modèle, chaque pixel comportera son propre jeu de paramètres.
Bien sur, certains facteurs externes ne seront jamais expliqué, comme les dégâts de gibier, mais ça c’est une autre histoire.
Je reviendrai sur ces deux parcelles de colza dans la saison pour étudier leurs comportements respectifs.
Xavier Bailleau 06/12/2019